Aimer son prochain ? Mission possible !Exemple

Le livre de l'Ecclésiaste est l'un des plus surprenants et des plus déconcertants de la Bible. Il est aussi d'une immense richesse dans la sagesse pratique qu'il nous propose. Ecclésiaste 7.16 (NVS78P), par exemple, contient une affirmation paradoxale : "Ne deviens pas juste à l'excès et ne te montre pas trop sage : pourquoi te ruinerais-tu ?" Peut-on vraiment être juste "à l'excès" et se montrer "trop sage" ?

Le monde dans lequel nous vivons n'est pas idéal. Une certaine forme de passion pour la justice et pour le fait de tout bien faire peut donner le sentiment de la "radicalité" mais ne constitue pas un chemin réellement praticable. Nous sommes appelés à la justice, à la sagesse et à l'amour. Mais nous y sommes appelés d'une manière réaliste. Il nous faut apprendre à passer par-dessus certaines choses alors même qu'elles nous touchent de près ("Ne prends donc pas à cœur toutes les paroles qu'on dit, de peur que tu n'entendes ton serviteur te maudire..." Ecclésiaste 7.21 NVS78P)

C'est une leçon particulièrement importante à assimiler pour les personnes qui s'impliquent dans le domaine social, face à la pauvreté ou aux injustices qui frappent les plus vulnérables. Ceux qui sont heurtés (à juste titre) par l'état de notre monde et qui se battent pour améliorer les conditions de vie de celles et ceux qui sont dans la détresse poursuivent parfois une utopie.

Or ce n'est pas ce que Dieu nous demande.

Le texte de l'Ecclésiaste parle plus sobrement de ne pas être méchant à l'excès (Ecclésiaste 7.17). Ce n'est pas une autorisation pour être "un peu méchant" ou pour opprimer un peu les pauvres. Cela nous encourage plutôt à accepter de vivre dans la complexité d'une vie non idéale, sans nous sentir constamment coupables de participer à des "systèmes" injustes, mais en faisant attention à ne pas nous complaire dans le mal.

Le texte de l'Ecclésiaste nous rappelle aussi que nous sommes tous pécheurs : "... il n'y a sur la terre point d'homme juste qui fasse le bien et qui ne pèche pas." (Ecclésiaste 7.20 NVS78P) Si nous ne sommes pas prêts à passer par-dessus certaines choses chez les autres, cela va nous revenir dans la figure : "... car ton cœur reconnaît que tu as toi-même bien des fois maudit les autres." (Ecclésiaste 7.22 NVS78P)

"Il est bon que tu retiennes ceci sans laisser échapper cela ; car celui qui craint Dieu trouve une issue en toutes situations." (Ecclésiaste 7.18 NVS78P) C'est ici que se trouve l'ancre du discours de l'Ecclésiaste : à aucun moment, il ne suggère qu'on pourrait "craindre Dieu à l'excès". "Écoutons la conclusion de tout le discours : crains Dieu et observe ses commandements. C'est là tout l'homme." (Ecclésiaste 12.13 NVS78P)

Pour réfléchir et mettre en pratique

Craindre Dieu : c'est très proche de la foi. Dans la Bible, la foi en Dieu est indissociablement foi en Christ. Observer ses commandements : c'est l'amour pour Dieu et l'amour pour le prochain. L'Ecclésiaste dit la même chose que le reste de la Bible. Mais il conduit notre foi en Jésus à un amour réaliste. Comment pourrions-nous aimer notre prochain, pratiquer la justice envers le pauvre, prendre nos décisions pour notre vie quotidienne d'une façon toujours plus radicalement ancrée dans la crainte de Dieu et en même temps réaliste et prêt à s'adapter au monde tel qu'il est ?